Analyse

Klutch Sports, l’empire de Rich Paul

Crédit : Allen Berezovsky/Getty Images

En résumé

L'agent de LeBron James a amassé un total de 751 millions $ pour ses clients, depuis le 1er juillet 2023. Illustration de son influence :

Depuis plusieurs années maintenant, Rich Paul, fondateur de l’agence Klutch Sports, est devenu une figure incontournable de la sphère NBA. Pionnier du mouvement d’émancipation des joueurs, le bras droit de LeBron James est devenu un maître dans les jeux de pouvoirs de la ligue, et continue d’encaisser des millions de dollars pour ses clients.

La prolongation d’Anthony Davis aux Lakers de Los Angeles vendredi a marqué une autre victoire, cette saison morte, pour Rich Paul et son agence. Klutch Sports Group, fondé en 2012, a amassé une valeur totale de 751 millions $ en contrats NBA depuis le 1er juillet, à travers des joueurs étoiles tel que Draymond Green, Dejounte Murray ou Jerami Grant. Voici la liste complète des contrats orchestrés par Klutch cet été :

Nom du joueurMontant totale ($)Année(s)
Anthony Davis*186 millions3
Jerami Grant160 millions5
Fred VanVleet130 millions3
Dejounte Murray*120 millions4
Draymond Green100 millions4
Gary Trent Jr.**18.5 millions1
Trey Lyles16 millions2
Miles Bridges8 millions1
Troy Brown Jr.8 millions2
Cam Reddish4.5 millions2
Total751 millionsX
* = prolongation, ** = option de joueur
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La saison morte de Paul est appréciée par LeBron James, qui a tenu à nous rappeler que celui-ci est l’un des meilleurs agents actuels, sur sa plateforme X.

Plusieurs autres super-agents sont réputés dans les cercles NBA. Jeff Schwartz, fondateur de l’agence Excel Sports Management, est toujours considéré comme l’agent le plus prolifique de la ligue. Il représente des joueurs tels que Nikola Jokic, Khris Middleton et Jamal Murray entre autres. Selon Forbes, dans un article qui date de 2022, Schwartz aurait accumulé 2,2 milliards $ en contrats NBA, et compte 35 clients à ce jour.

CAA reste de loin l’agence sportive la plus dominante, et s’étale sur cinq sports majeurs : soccer, basketball, hockey, baseball, et football américain. L’agence californienne compte autour de 2 900 clients, dont Devin Booker, Chris Paul, ou Matthew Stafford en NFL.

À titre comparatif, Rich Paul, qui faisait d’ailleurs partie de CAA avant de fonder Klutch, compte 37 clients, et un total de 1,4 milliard $. Klutch Sports Group reste la neuvième plus grosse agence sportive au monde, et compte 120 clients totaux.

Cependant, rien n’a été donné au jeune super-agent de 41 ans, lui qui continue de grimper les échelons de la NBA. Comment en est-on arrivés là ? Voici comment un maillot de Warren Moon, quart-arrière légendaire de la NFL, a fait de Rich Paul l’un des agents les plus puissants du sport.

Rich et LeBron, duo de choc

2002, à l’Aéroport Akron-Canton, Paul attend son avion pour Atlanta, afin de se procurer des maillots à revendre dans sa ville d’origine, Cleveland. Il est vêtu d’un maillot de la NFL rétro, celui de Warren Moon des Oilers de Houston. C’est ici qu’il rencontre LeBron James, un an avant que celui-ci soit repêché par les Cavaliers avec le premier choix de l’encan 2003.

« LeBron a vu le maillot throwback de Warren Moon et il l’a adoré. Il lui a demandé, ‘où est-ce que tu l’as acheté ?’ raconte Jason Llyod de The Athletic, dans le balado A King’s Reign, qui retrace le parcours de James. C’est là que tout ça a commencé ».

À partir de cette rencontre, les deux hommes restent en contact. Quelques années plus tard, Paul rejoint l’agence CAA pour travailler avec l’agent de LeBron à l’époque, Leon Rose.

Comme mentionné plus haut, il quitte CAA en 2012 pour fonder Klutch Sports, dont le premier client est LeBron James. L’agence est depuis aux avants du mouvement de « player empowerment » et encourage ses clients à se bâtir une marque personnelle, au-delà de leur franchise respective.

Mais Rich Paul n’est pas apprécié par tous, en NBA. Pour certains, le super-agent est allé trop loin, lorsqu’il réussit à forcer l’échange d’Anthony Davis aux Lakers de Los Angeles. En 2018, Davis rejoint l’agence, un an avant son admissibilité à une prolongation « super-max » avec les Pelicans de La Nouvelle-Orléans, pour 240 millions $.

En 2019 pourtant, Davis fait sa demande d’échange, rendue publique par Paul. L’intérieur étoilé est alors convoité par plusieurs franchises, telles que les Knicks de New York ou les favoris pour l’échange, les Celtics de Boston.

Rich a d’autres plans. Sur la côte ouest, son plus gros client, LeBron, vient de signer aux Lakers. Celui-ci est entouré d’un jeune noyau de Brandon Ingram, Lonzo Ball et Josh Hart, qui ne semblent pas assez expérimentés, ou talentueux, pour aider James à décrocher un titre à ce moment.

Après quelques mois de négociations, le pari est gagné, et Davis se retrouve à Los Angeles. L’échange est critiqué par plusieurs, qui distinguent le rôle de Paul dans l’échange. « On ne peut pas avoir des joueurs et des agents en connivence pour empiler des superteams », disait Charles Barkley sur le plateau de TNT à propos de l’échange.

« Il est absolument implacable lorsqu’il faut obtenir pour ses joueurs ce qu’ils veulent et il utilisera tous les moyens à sa disposition pour le faire », confiait un directeur général NBA anonyme, dans un article du New Yorker.

L’emprise de Rich Paul sur la franchise du Mauve et Or ne s’arrête pas là pour autant. Depuis l’arrivée de James à Los Angeles en 2018, l’effectif des Lakers a été submergé par des clients de Klutch, tels Lonnie Walker, Montrezl Harrell, Dion Waiters, Cam Reddish ou Kendrick Nunn, pour n’en nommer que quelques-uns.

L’état-major de la concession a souvent été critiqué pour son approche biaisée, et Paul continue d’être un nom polarisant pour les organisations sportives.

La « Rich Paul Rule »

En 2019, la NCAA met en place une nouvelle loi, empêchant des agents non-diplômés de représenter des joueurs sur le circuit universitaire américain.

La loi, surnommée « Rich Paul Rule » par les médias, fait référence à Paul, qui n’a jamais gradué, contrairement à la plupart des agents sportifs professionnels. L’agent représentait Darius Bazley en 2018, et celui-ci avait renié son engagement de jouer pour l’Université de Syracuse, pour ensuite être payé un million de dollars pour un « stage » à New Balance, pour son développement, ce qui avait déplu à des exécutifs de la NCAA.

« Croit-on vraiment qu’un diplôme de quatre ans est ce qui sépare une personne éthique d’un escroc ? », déplorait l’agent dans une lettre ouverte publiée sur The Athletic, en réponse à la nouvelle loi.

« Dans ce cas, les personnes affectées sont des enfants qui aspirent à devenir agent et à travailler dans la NBA et qui n’ont pas les ressources, l’opportunité ou le désir d’obtenir un diplôme de quatre ans. »

Ce nouveau règlement, qui semblait bel et bien viser le fondateur de Klutch, avait été vastement critiqué par les partisans de basketball, pour son élitisme. Six jours après la lettre ouverte de Paul, la NCAA décide donc de remodeler ses exigences en matière d’accréditation des agents, et n’exigera plus de baccalauréat tant qu’ils sont certifiés par l’Association des joueurs (NBPA).

La « Rich Paul Rule » est un des multiples exemples que l’on peut tirer de l’influence de l’agent sur le basketball aujourd’hui. Celui-ci sait utiliser les leviers à sa disposition afin d’obtenir ce que lui, et ses clients, veulent.

Le futur de Klutch Sports

L’organisation Klutch Sports Group cherche désormais à s’imposer au-delà des frontières de la NBA. Depuis quelques années maintenant, l’agence est allée chercher de nouveaux clients en WNBA, NFL, et MLB. Des noms comme celui de Jalen Hurts, quart-arrière des Eagles de Philadelphia ou A’Ja Wilson des Aces de Las Vegas peuvent sortir du lot.

La compagnie réside dans quatre villes des États-Unis; New York, Atlanta, Cleveland, et bien sûr, Beverly Hills, prêt de la résidence de Paul.

Sur la page web de l’organisation, il est mentionné que la mission de Klutch est d’« aider ses clients à tirer parti des opportunités dans le paysage du divertissement, des médias et des affaires en évolution rapide à n’importe quelle étape de leur carrière », une tâche homogène avec le mouvement d’émancipation des athlètes.

Depuis juin 2019, Klutch Sports est en association avec United Talent Agency (UTA), une autre agence de Beverly Hills, qui représente des personnalités dans le secteur du divertissement.

« Cela nous met en concurrence directe avec les plus grandes agences du monde », expliquait Paul dans une entrevue avec The Athletic. « Il n’y a rien que nous ne puissions pas faire pour un athlète. Si un gars veut écrire un livre, super. S’il veut être un champion ‘Fortnite’, tant mieux. S’il veut être acteur, tant mieux. Il veut acheter une entreprise de planches de surf ? Fantastique. Il n’y a rien que nous ne puissions pas faire pour l’athlète moderne. »

UTA représente des stars hollywoodiennes telles qu’Angelina Jolie, Johnny Depp, ou encore Seth Rogen, ainsi que des artistes tels que Post Malone, Akon ou 21 Savage. La compagnie s’est associée avec Klutch dans le but d’élargir sa division sportive.

L’empire de Klutch continue donc de s’agrandir. Plusieurs super-agents, comme Rob Pelinka ou Leon Rose ont su se démarquer du monde de l’agence sportive et sont désormais directeurs généraux des deux plus grosses marques de la NBA, les Lakers et les Knicks. Pour Paul, le but semble être d’aller chercher plus haut. Aimé ou non, celui-ci a su se montrer indispensable depuis la fondation de Klutch Sports en 2012, car s’il est déjà aux rênes d’une méga-agence à 41 ans, il y a de fortes chances que si vous vouliez quelque chose dans la NBA, il vous faudra passer par Rich Paul.

Raphaël Massoud

Raphaël est étudiant à l'Université de Montréal, et pigiste pour le magazine Quartier Libre. Mordu de basketball, il a rejoint AlleyOop360 pour canaliser sa passion du sport.

Raphaël Massoud

Raphaël est étudiant à l'Université de Montréal, et pigiste pour le magazine Quartier Libre. Mordu de basketball, il a rejoint AlleyOop360 pour canaliser sa passion du sport.

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