Le phénomène Bennedict Mathurin – appelez ça la « Mathurinsanity » si vous voulez – qui a certes fait ses vagues ici au Québec, puis en Arizona, prend actuellement d’assaut l’Indiana qui est aux prises avec une tempête incontrollable. Il s’agit de quelque chose de bien plus gros que ce que nous avons eu la chance de vivre ici. Question d’épouser des prestations enivrantes de 19 et 26 points à ses premières sorties officielles comme professionnel de la NBA, le Montréalais aux origines haïtiennes y est cette fois allé de 27 points et 7 rebonds, samedi soir, agrémentés de son meilleur rendement au tir à ce jour (56%), question de récolter un premier gain pour les Pacers cette saison.
L’Indiana a vaincu les Pistons de Detroit au compte de 124-115. Bennedict Mathurin s’est levé comme le meilleur pointeur des deux camps.
Le circuit est sous le choc, impuissant devant ces démonstrations ahurissantes qui contraignent même certains analystes à remettre en question leur prédiction en vue du trophée de Recrue de l’année. Dans le cas de l’illustre John Hollinger, chez The Athletic, on est prêt à lui remettre cette couronne tout de suite.
Les statistiques ne mentent pas : Bennedict Mathurin, lui qui a grandi à Montréal-Nord et qui incarne à la lettre la mentalité « d’underdog » des basketteurs issus de la Métropole, s’améliore à chaque fois qu’il a vu le niveau de compétition augmenter. Il est, sans faute, à la hauteur de l’occasion. Qu’il s’agisse du March Madness, de la Summer League, ou de véritables matchs de la NBA, Mathurin répond à l’appel et sait élever son jeu de quelques crans.
Sans dire qu’il a la « chip » proverbiale sur son épaule, devenue le cliché préféré de la grande ligue, Bennedict utilise tout ce qu’il peut se mettre sous la main comme carburant. Et ça fonctionne : la flamme brûle plus vive que jamais.
De faire directement compétition à Jaden Ivey samedi – repêché par les Pistons au cinquième rang du même encan, soit une sélection plus tôt que Mathurin – rentre alors dans la catégorie des choses qui représentent une source de motivation pour notre petit gars de chez nous.
Aux niveaux de la ténacité, du moteur et de la confiance en soi, Benn n’a vraisemblablement pas à rougir devant qui que ce soit, déjà à ce point-ci de sa carrière. Et si on fait l’inventaire de sa boîte à outils, on constate que ce n’est pas qu’entre les deux oreilles que le Québécois présente autant de promesse à titre de pro…
Il a un athlétisme et un gabarit (6’6, 210 lbs / 198 cm, 95 kg) rappelant Michael Jordan, idéal pour le shooting guard moderne de la NBA, ainsi qu’un tir extérieur plus que respectable, un dribble serré, une habileté à créer le tir et le contact, à l’absorber, le sens des grands moments et une touche délicate sur ses floaters, soit un atout prisé chez tout bon marqueur.
En compilant les productions du produit des Wildcats d’Arizona, après seulement trois rencontres de calendrier régulier, on constate qu’un uniforme de la NBA lui va finalement à merveille. Sans surprise, il mène toutes les recrues dans plusieurs catégories, dont celle des points par match. Voici les moyennes traditionnelles qu’il a enregistré jusqu’ici dans son parcours :
24.0 PTS, 6.3 REB, 2.0 AST, 0.7 STL, 1.7 TOV (revirement), 52.1% au tir, 73.3% aux lancers francs, 65.9% de True Shooting, 52.4% aux 3PTS (en 7 tentatives par match), 28.7 MIN
Force est d’admettre que l’entrée en scène est réussie, plus théâtrale que prévu. Néanmoins, quel est le plus impressionnant dans ce bilan? Mathurin l’accomplit on opérant comme sixième homme sous Rick Carlisle. Oui, son entraîneur-chef préfère offrir le rôle de deuxième garde titulaire, auprès de Tyrese Haliburton, au vétéran Buddy Hield. On lui donne encore le « rookie treatment », mais peut-être pas pour très longtemps…
Un trophée à l’horizon?
Si la majorité des contributeurs (10) au site AlleyOop360 avaient Paolo Banchero dans leur boule de cristal en ce qui a trait aux prédictions pour la distinction de Recrue de l’année, lors de notre préparation pour la saison, quatre d’entre nous avaient quand même Mathurin dans leur soupe. J’aimerais presque aujourd’hui revenir sur ma décision et permuter Paolo pour Bennedict, mais il est désormais trop tard.
Et puis rappelons-nous que seulement trois parties sont jouées pour les Pacers sur un parcours qui en compte 82. Aussi fiers que nous le sommes du Québécois, personne n’est à l’abri du fameux « rookie wall », lequel peut être frappé à tout moment durant l’année freshman d’un joueur. Les stats qu’il arbore aujourd’hui risquent de se stabiliser vers un seuil largement inférieur – particulièrement dans l’optique des points par soir et de l’efficacité périphérique.
John Hollinger, lui, va à contre-courant depuis quelques temps. L’analyste de The Athletic, ancien membre de l’état-major des Grizzlies de Memphis et l’inventeur du Player Efficiency Rating, admettait avant de donner le coup d’envoi à 2022-2023 qu’il avait ses billets pour le « Mathurin Train ».
Il ne s’est pas gêné de clamer dans le cadre d’un épisode du podcast de Zach Lowe (ESPN), qu’il entrevoyait un trophée de Recrue de l’année dans le futur proche de Mathurin.
Jusqu’à présent, Benn fait paraître Hollinger comme un géni. L’athlète qui a d’ailleurs évolué à la NBA Academy au Mexique est devenu la première recrue des Pacers à mettre 20 points ou plus lors de rencontres consécutives, en sortie de banc, depuis Reggie Miller (1987).
Soif d’encore plus de faits intéressants au sujet du début formidable de Mathurin? Voici : il est le premier joueur du circuit depuis 1995 à récolter au moins 72 points à travers ses trois premiers affrontements en carrière. Depuis 1980, seuls quatre autres hommes y sont parvenus, soit Isiah Thomas, Dominique Wilkins, Michael Jordan et Jerry Stackhouse.
Ce qui importait aux yeux du principal intéressé hier, toutefois, était le chiffre « 1 » dans la colonne des victoires pour les siens.
NOTE : Bon, la saison – tout comme la carrière de Mathurin – en est encore au stade embryonnaire; tâchons-nous de conserver une certaine retenue, j’en conviens. J’entend justement jusqu’ici ceux parmi vous qui s’écrient « Attend donc avant de parler de Recrue de l’année. » « Ça fait juste trois matchs. » Je vous l’accorde, mais il est simplement trop difficile d’ignorer le sentiment profond d’excitation que procure un jeune joueur électrisant comme celui-ci.
On s’est peut-être excités de manière similaire en 2021-2022 à Indy lorsque Chris Duarte (aussi natif de Montréal) a enchaîné les performances prolifiques lui de même pour lancer sa première campagne, mais on ne parle pas exactement du même phénomène avec Mathurin. Le jeune de seulement 20 ans a un « je ne sais quoi » de plus, de spécial.
Ne soyez donc pas surpris si le nom de Bennedict Mathurin est encore sur toutes les lèvres pour longtemps. La tempête ne montre aucun signe de ralentissement, et rien ne pourrait être plus encourageant pour le basketball dans la province.
Lundi, le 24 octobre, aura lieu le prochain duel des Pacers d’Indiana, qui croiseront cette fois le fer avec des 76ers de Philadelphie toujours à la recherche d’une première victoire.