Le basketball au Québec mérite son écosystème médiatique.
Je ne peux faire autrement que commencer avec un peu d’histoire.
Avant de rencontrer Liam Houde, en 2018, je ne connaissais pas grand-chose au basket. J’étais un casual, et mon objectif était de vivre du hockey. Je vous mentirais si je vous disais que c’était un rêve pour moi de m’impliquer dans le monde du basket au Québec.
Tout a changé rapidement. Liam, un dude de Hull avec qui j’allais à l’école en journalisme à Ottawa, s’est pointé au premier cours de l’année avec la casquette des Raptors qu’il porte encore aujourd’hui quand on chill à Québec.
Je commençais à m’y intéresser un peu, parce qu’on m’avait approché pour être rédacteur pour un nouveau site de nouvelles sur la NBA. Dans la file du Subway du Collège La Cité, je lui en ai parlé et il a été charmé par l’idée de combiner sa passion de l’écriture à celle du basket. Le projet ne s’est pas concrétisé, mais le concept a quand même fait son bout de chemin dans ma tête.
Pendant les mois qui ont suivi, Liam est devenu un bon ami et sa passion m’a influencé. J’ai acheté NBA 2K19 et j’ai commencé à passer mes après-midis dans ma chambre à m’instruire sur le sport en regardant des vidéos, en écoutant des podcasts et en lisant. Rapidement, je suis devenu obsédé et passionné par un sport dynamique et fascinant à suivre.
Au printemps, j’étais officiellement prêt, et surtout motivé, à faire un gros move.
Je voulais lancer le premier site web francophone d’actualité et d’analyse sur la NBA.
Le Starting 5
En lançant cette plateforme, l’objectif était de produire en volume ET en qualité. On n’allait pas faire les choses à moitié. Pour que les amateurs de basket québécois s’attachent au produit, il fallait leur offrir en français ce qu’ils vont normalement chercher ailleurs en anglais, et plus.
Ça prenait donc des jeunes talentueux qui avaient du temps à donner, du talent dans le nez, et le couteau entre les dents.
Je côtoyais Liam à tous les jours et je savais qu’il respectait ces trois critères, surtout par sa plume exceptionnelle et sa volonté de toujours aller plus loin dans ses recherches. Mon partner in crime, mon day-one, c’était définitivement lui.
William Thériault est un gars de mon hood, à l’Île-Perrot, que j’ai connu de visage et de nom à l’école secondaire du Chêne-Bleu. On a rapidement pris contact lorsque j’ai commencé à lire ses articles sur le Grand Club de RDS – ils étaient écœurants. Will est un gars avec beaucoup d’ambition et une tête sur les épaules, et surtout une passion première du basket. J’étais ben content quand il a accepté d’écrire pour nous.
Alexis Goulet était connu pour son compte Facebook et Twitter « Le Gars du Sport », sur lequel il partageait l’actualité sportive avec une efficacité et une rapidité remarquable. Quand je l’ai contacté pour la première fois, il a respectueusement décliné de s’impliquer par manque de temps. Ça n’a pas été long qu’il a trouvé le temps, la motivation, et sa place dans notre équipe.
Manuel Villeneuve était le wiz de la NCAA et des espoirs, le pro des mock-drafts, qui m’a entraîné dans ses folies. C’est lui qui m’a contacté pour s’impliquer dans le projet et on a rapidement vu qu’il était bright et qu’on le voulait avec nous le plus longtemps possible.
C’était ça, notre Starting 5. C’était pas voulu, question d’être dans le thème du basket. Ça s’est passé naturellement, en quelques semaines. Le noyau d’AlleyOopQuébec, fondé le 7 mai 2019, était solide, et rempli de personnes avec qui j’ai des souvenirs incroyables de cette belle aventure qui prend fin en juin 2024, plus de cinq ans plus tard.
Après avoir annoncé mon départ pour me concentrer sur ma carrière au 91,9 Sports en 2021, Liam a donné corps, âme, temps, argent et tous les qualificatifs imaginables pour la survie de ce qui avait été rebaptisé AlleyOop360. Je pense qu’il a réalisé en étant le gestionnaire principal à quel point c’est de la job, mais il a repris le flambeau avec brio et il l’a tenu à bout de bras pendant, honnêtement, beaucoup plus longtemps que je ne l’aurais cru. AlleyOop, c’est nous tous, mais selon moi, c’est surtout Liam et ses 2000 textes : un pilier qui y a cru du début à la fin.
Voici sa propre lettre :
C’est l’heure, le jour, de tourner la page.
C’est la vie, surtout.
Liam, dernier soldat debout, se lance dans un projet personnel trippant en 2025. Will est un des plus beaux jeunes talents de La Presse et du journalisme en général au Québec. Et si vous écoutez des matchs de hockey à TVA Sports – tard le soir – il se peut que vous entendiez Alexis Goulet suivre les traces de son père à la description, et briller malgré son très jeune âge. Manu travaille sur le basket, à RDS, et il est surtout papa de Noam, qui a fait ses premiers pas cette semaine. Moi, j’suis rendu loin, autant physiquement que mentalement, mais j’ai vécu le trip de ma vie à la radio sportive montréalaise pendant trois ans.
C’est fou de voir où on est rendus, et de savoir qu’on a tous partagé l’ascension d’un site qui a selon moi accompli tout ce qu’il pouvait accomplir dans l’écosystème médiatique sportif québécois.
On peut être fiers de nous.
Les débuts
Parfois, on ne sait pas par où commencer… Mais ici, c’est clair.
J’suis allé chercher Will à Notre-Dame-de-l’Île-Perrot, par un après-midi de juin, pis on est allés au visionnement du match #6 de la Finale de la NBA sur la rue Peel à Montréal. On était au sommet d’une terrasse VIP avec une vue sur l’ensemble de la foule.
Les Raptors ont gagné – je ne vous apprend rien – et ç’a été un point tournant pour moi, et pour Will aussi, je pense. On a réalisé, par ce qu’on voyait, entendait et ressentait, l’ampleur de l’intérêt des Montréalais et des Québécois pour le basketball de la NBA.
Y’a pas meilleure image que des milliers de personnes qui sautent parce que l’équipe de Toronto a battu les Warriors en finale. Il était drette là, devant nous, notre public. On voulait rassembler tout ce monde-là, et ça allait venir avec la constance.
Je ne me souviens pas des statistiques, mais je sais pertinemment qu’on a tapé les 100 000 visites par mois dès le premier trimestre. Notre progression était fulgurante et on avait des commentaires très positifs. Sérieux, on était solides. On publiait six textes ou plus par jour, que ce soit des nouvelles ou de l’analyse, et on n’en manquait pas une.
Les horizons
Le rebrand est venu parce qu’on s’est dit que notre contenu sur la NBA était de qualité et avait le potentiel d’attirer des lecteurs de la France et d’autres pays de la francophonie.
On s’est détachés du Québec dans notre nom, mais pas dans notre identité.
On voulait à travers tout ça ajouter à l’offre de la NBA et couvrir nos jeunes talents locaux.
L’angle québécois était intéressant avec Chris Boucher et Luguentz Dort, mais surtout avec la cuvée incroyable de Québécois dans la NCAA. On a aussi créé un registre qu’on mettait à jour à main avec toutes leurs stats – c’était l’enfer, mais fallait ce qu’il fallait.
Après le premier podcast de discussion est venue l’émission de radio au 91,9 Sports. C’est là qu’on a pu commencer à s’impliquer dans la communauté québécoise en parlant à tout le monde et en mettant de l’avant notre talent et notre culture. On a été les premiers à avoir Bennedict Mathurin en entrevue, pendant son temps en Arizona, et on a fait le tour des gros gars de la NCAA et des niveaux inférieurs.
Je dois saluer Woodwendy Séraphin, qui nous a vraiment aidé à sizer le basket à Montréal et tisser des liens. Dès le premier appel et la première visite de Dynastie Basketball, ç’a cliqué. Je veux absolument le remercier. Il était un peu comme un consultant – vraiment utile pour des gars qui n’étaient pas sur le terrain à tous les jours comme lui.
D’ailleurs, l’Alliance de Montréal nous a accueilli à bras ouverts. J’ai trippé pendant mon été à l’Auditorium de Verdun, à couvrir le camp d’entraînement de A à Z, et à décrire les matchs de l’équipe à domicile. On a vraiment vécu quelque chose de beau, avec un accès privilégié envers le club et ses joueurs. Je crois que le plus triste dans la fermeture d’AlleyOop360 est que la couverture de qualité de William Thériault de notre première équipe professionnelle québécoise depuis longtemps n’y soit plus disponible. Longue vie à l’Alliance et ses artisans.
La pertinence
Charles Dubé-Brais est celui qui m’a le plus aidé personnellement. Selon moi un des meilleurs brains de l’univers du ballon-rond, qu’importe la langue ou l’origine, j’ai eu la chance de lui parler dans le cadre de notre émission à toutes les semaines pendant un an et demi, et les connaissances que j’ai acquises de cet homme sont ahurissantes.
On s’est parlés pendant des heures, hors des ondes, alors qu’il n’était vraiment pas obligé de le faire. Je suis devenu une bien meilleure tête de basketball à travers sa tête de coach. Je me souviendrai que j’avais organisé un Zoom pour que Chuck enseigne aux gars toutes les subtilités des statistiques avancées, parce que je voulais qu’on délaisse le plus possible les statlines traditionnelles pour comprendre les stats les plus intéressantes, importantes, et représentatives.
Plusieurs m’en ont reparlé après comme étant aussi un point tournant pour eux. On avait le meilleur enseignant.
Charles continue de faire de belles choses. Assistant au directeur général responsable de la stratégie et du développement et entraîneur adjoint de l’Alliance de Montréal, CDB a aussi gagné le championnat taiwanais, il y a quelques semaines… avec DeMarcus Boogie Cousins au centre. Quel homme.
L’échec à travers la réussite
Je suis fier. Mais je crois aussi que nous avons la responsabilité de tirer des conclusions de cette expérience, et proposer des réflexions.
Je pense réellement que l’écosystème médiatique québécois peut supporter une plateforme faite ici qui parle de NBA, NCAA, WNBA et autres circuits de basket, tout en mettant en vitrine nos athlètes d’ici à travers du contenu détaillé et recherché qui s’éloigne de la surface.
AlleyOop360 n’a jamais eu d’ambition de guerre – au contraire –, mais bien une vision d’entraide. Notre objectif assumé et souvent répété était de rassembler les partisans de basket québécois autour d’un objectif commun, celui de faire vivre le sport dans notre province, surtout à travers une collaboration avec les instances fortes de ce milieu.
RDS nous a invité sur leur plateau, en 2021. C’était une belle tribune et un bon coup de pouce, et c’était pertinent. Je les remercie sincèrement et énormément pour l’invitation. J’aurais souhaité qu’il y en ait une deuxième. Une collaboration n’a jamais été possible. Nos produits étaient-ils compatibles? Je crois que oui, dans une certaine mesure. Il faut cependant noter qu’il y a des gens qui poussent très fort à l’intérieur de la boîte pour la visibilité du sport, et que les défis y sont déjà importants en tant que tel. Il n’y a pas de manque de volonté des artisans.
Figurez-vous aussi que pendant mes presque trois ans à la tête d’AlleyOop, je n’ai jamais eu de retour de l’ancienne mouture de Basketball Québec pour ne serait-ce que réfléchir à une collaboration. Le nouveau directeur général Carl Comeau, en poste depuis un peu moins d’un an, a l’air solide, et a mentionné sur les ondes de RDS vouloir « collaborer », notant « peut-être avoir une réputation de ne pas être ouvert à la communauté » à corriger. Qui sait ce qu’on aurait pu accomplir avec un support dès le jour 1, voire le jour 365.
Et bien que nos joueurs québécois soient très impliqués dans leur communauté, je n’ai jamais réussi à parler à Chris Boucher avant qu’il ne soit, par hasard, assis à côté de moi à un match de l’Alliance de Montréal. C’est la même chose avec Luguentz Dort, pour qui les innombrables démarches n’ont jamais fonctionné.
C’est sans rancune, mais c’est dommage.
Dans un écosystème limité, il faut se mobiliser et collaborer pour maximiser son potentiel. Je rêve d’un monde dans lequel la communauté se serait autant mobilisée autour d’AlleyOop que nous nous sommes mobilisés autour d’elle.
On ne se fera toutefois pas de mensonges. Lancer une plateforme québécoise sur le basket, c’est partir avec deux prises (ou cinq fautes) si tu penses gagner ta vie. À ce jour, ça demeure niché, et le marché américain engloutit une bonne partie de l’intérêt. On le sait, et je ne blâme personne. Je souhaite simplement qu’on réfléchisse collectivement à la suite des choses.
Force est de constater qu’on est pas rendus là. Ceci dit, je pense que plusieurs aimeraient se rendre là un jour.
J’ai investi plus que j’ai reçu. La plateforme aura été alimentée par la passion du début à la fin. Sauf qu’un moment donné, il faut vivre.
Le mot de la fin
C’est avec émotion que j’écris ce texte, parce que je réalise tout ce que ce projet m’a apporté.
AlleyOop360 a été ma porte d’entrée dans les médias. Ma première chronique à la radio montréalaise aura été le lundi soir avec Max Van Houtte. On a jasé de NBA pendant un an, le 91,9 m’a donné un stage, et le reste, c’est de l’histoire.
On parlait souvent d’un marché presque inexploité, et m’y consacrer m’a permis de faire ma place dans ce milieu.
C’était un tremplin, mais je ne l’utilisais pas. Je trippais, pis en bonus, ça m’a ouvert des portes.
J’en garde des souvenirs gravés dans ma mémoire à vie. Courtside aux Raptors à Montréal. Les points de presse de Siakam, Boucher, VanVleet, Nurse. Les scrums sur Zoom pendant les séries de la NBA. Les trois tirs de 3 points de suite de Dominic Green lors du premier match à domicile de l’Alliance. J’en passe sûrement.
Les rencontres. Les amitiés. Les discussions. L’expérience. Les émotions fortes.
Merci à tous ceux qui se sont impliqués de près ou de loin avec ce site pour en faire ce qu’il a été pendant cinq ans. Rien de tout ça n’aurait été possible sans l’apport de chaque personne qui a donné de son temps depuis 2019.
Merci à Maxime Lauzier-Tremblay, le meilleur programmeur au Québec, probablement le seul qui règle des bugs pendant qu’il est aux glissades d’eau avec sa fille.
Merci au Starting 5.
Merci aux lecteurs, aux auditeurs.
C’est drôle, ça fait très longtemps que je n’ai pas écrit pour le site. Mais maintenant que c’est fini, ce que j’ai le plus envie de faire, c’est d’écrire.
– Kev
Nos premiers modèles de t-shirts (friends & family) en 2020 (noirs) et la seconde vague en 2023 (ivoires et poivres).