Le programme du G League Ignite affiche deux victoires et 31 défaites cette saison dans le circuit de développement de la NBA. Il s’agira de sa dernière, avant que l’initiative ne soit abandonnée pour de bon par le commissaire Adam Silver. L’équipe de développement, qui a vu le jour en 2020, avait pour mission d’offrir une alternative pleine d’avantages aux meilleurs espoirs dans le milieu du basketball américain et international, mais l’Ignite a été victime de son propre génie, en quelque sorte.
Nous apprenions la semaine dernière que l’Ignite cesserait d’exister après quatre campagnes, lesquelles n’auront cependant pas été sans impact sur l’univers du basketball, et ce, malgré les déceptions qu’ont été la majorité des prospects de premier plan qui sont passés par l’équipe Ignite.
Une fondation à l’allure sans faille
D’abord faut-il rappeler ce en quoi consiste cette formation unique qui évolue au sein de la G League, elle qui n’a rien à voir avec les autres clubs-écoles de cette Ligue. Inauguré en 2020, ce projet avait Jalen Green – aujourd’hui membre des Rockets de Houston – comme tête d’affiche et représentait une alternative au sentier plus traditionnel qu’est la NCAA, pour les jeunes basketteurs avec espoir de faire la NBA.
Non seulement est-ce que cette proposition permettait-elle à des athlètes de moins de 19 ans de vivre une expérience « professionnelle » sans se rendre outremer, mais elle leur offrait également l’opportunité d’être rémunérés beaucoup plus tôt que leurs homologues ayant opté pour le circuit NCAA.
Le pitch de vente était simple : « Viens jouer en périphérie de Los Angeles pour cette équipe de G League où tu pourras peaufiner ton jeu face à des professionnels de tous âges, vivre une expérience inestimable sur un effectif aux côtés d’autres jeunes espoirs de haut niveau et de vétérans pleins de ressources, tout en empochant un salaire annuel pouvant surpasser le demi-million de dollars américains. »
Un point important ici en faveur du G League Ignite à l’époque de son lancement était que l’athlète avait l’opportunité de profiter financièrement de son nom et de sa propre image de marque, ce qui était alors interdit au niveau universitaire… (on y reviendra sous peu).
À travers la G League, anciennement la D League, une foule de joueurs tentent depuis longtemps de se frayer un chemin vers la grande ligue, ne serait-ce que pour un maigre contrat de 10 jours – une chance de se prouver. Plusieurs d’entre eux ne font malheureusement jamais le bond. Or, l’Ignite se différencie des 31 autres formations de la G, avec un horaire transformé et surtout un bon nombre de jeunes espoirs 5-étoiles de 17, 18 ou 19 ans qui savent forcément que leur nom sera prononcé au prochain encan de la NBA, ou le suivant.
C’est toutefois ce concept de regrouper plusieurs joueurs ayant souvent l’habitude de manier le ballon, d’être la vedette de leur club ou d’être le centre de l’attention, qui aura contribué – en partie – à l’effondrement auquel on assiste aujourd’hui. Tout de même, le fait de jouer avec d’autres joueurs de basketball dominants a ses avantages, par ses leçons sur le partage et le travail d’équipe, pour un jeune talent de moins de 20 ans qui devra inévitablement partager le ballon et le parquet avec certains des meilleurs sur Terre lorsqu’il fera le saut. C’est qu’il faut trouver un équilibre.
Cette proposition s’est donc voulue alléchante aux yeux de plusieurs des meilleurs espoirs des récentes années, dont Jalen Green, Jonathan Kuminga, Scoot Henderson, Leonard Miller et Jaden Hardy, ainsi que Ron Holland et Matas Buzelis, eux qui y sont toujours en espérant être choisis parmi la loterie du repêchage de 2024.
L’idée et son exécution semblaient si bonnes, initialement. Que s’est-il passé en quatre ans pour que le projet soit délaissé de la sorte ?
J’écrivais ceci au sujet de la création de l’Ignite en 2020, lorsque Jalen Green était l’athlète le plus prisé de sa cuvée et qu’il avait reçu des offres de 20 des meilleurs programmes universitaires au pays :
Arrive ensuite le « NIL »
L’attrait premier du programme Ignite aux yeux des meilleurs talents au monde a toujours été l’aspect financier de la chose, il va sans dire. C’est également ce qui a rendu inquiets Charlie Baker, président de la NCAA, et ses collègues. Si de moins en moins de basketteurs de haut calibre demeuraient plus d’un an à l’université avant de se rendre éligibles au repêchage de la NBA – des one-and-done –, l’arrivée de ce programme comme alternative a jeté davantage d’huile sur le feu qu’était ce problème déjà grandissant.
Progressivement, un nombre accru de jeunes joueurs prometteurs optait pour de différentes avenues vers la grande ligue, avec les cas notoires de LaMelo Ball et RJ Hampton, qui ont préféré connaitre une escale en NBL australienne entre l’école secondaire et la NBA, plutôt que de porter les couleurs d’une équipe collégiale où il leur serait interdit d’engendrer des revenus pour leur talent.
On a même vu l’inauguration de la ligue Overtime Elite en 2021 pour les 16 à 20 ans, surfant sur cette vague oscillante qui avantageait essentiellement tout le monde, sauf le réseau universitaire américain. À son lancement, OTE proposait des salaires annuels d’au moins 100 000$ américains, en plus de bonus potentiels et de parts dans la compagnie, aux jeunes athlètes qui y signaient. Porte-étendards d’Overtime Elite, les jumeaux Amen et Ausar Thompson ont été choisis quatrième et cinquième, respectivement, à l’encan de 2023, en sortant de cette nouvelle ligue.
Mais le 1er juillet 2021, tout a changé.
L’option du « portail des transferts » s’offrait déjà aux joueuses et joueurs de basketball de la NCAA depuis 2018, ce qui permettait entre autres à ces étudiants-athlètes de changer d’école durant la saison estivale, sans qu’ils soient contraints de demeurer cloué(e)s au banc pour la saison suivante (redshirt). Or, ce changement apporté aux façons de faire de la NCAA n’était pas suffisant afin de prévenir le pire : l’exode des meilleurs espoirs de basketball et, éventuellement, les athlètes pratiquant d’autres sports.
C’est donc avec une rapidité surprenante, en 2021, que la National Collegiate Athletic Association a dû agir et que la règle du « NIL » est née. Avec l’effet d’un tremblement de terre, l’ajout de cette clause « Name, Image and Likeness » a soudainement rebrassé le jeu de cartes, lorsque les étudiants-athlètes de la NCAA ont finalement commencé à pouvoir bénéficier financièrement de leur image de marque.
Cette règle de « compensation » cite donc, depuis juillet 2021, qu’un étudiant-athlète – tous sports confondus – a le droit de contrôler et tirer profit de son nom, ainsi que de son « image et sa ressemblance », par le biais de commanditaires ou autres. Sans surprise, certaines des marques d’équipement et de vêtements sportifs telles que Nike ont promptement procédé à la signature de plusieurs de ces athlètes afin de les ajouter à leur « famille » de représentants et ambassadeurs.
Voici une liste des étudiants-athlètes ayant les plus hautes valeurs estimées actuellement, grâce à ce nouveau système, selon On3.com. Bronny James figure au sommet de la liste avec presque 5 M$ de valeur estimée.
Avec l’effet d’un poison, la règle du « NIL » a lentement tué le projet du G League Ignite, même si d’autres espoirs intéressants y ont connu des escales avant leur envol, comme Scoot Henderson, troisième choix au total du repêchage 2023. La situation est ironique un peu, considérant que cette réglementation NCAA n’aurait probablement jamais eu lieu si ce n’était pas de la création de l’Ignite…
Force est d’admettre néanmoins que si l’objectif du programme Ignite était de devenir une mine à All-Stars dans la NBA, il s’agirait d’un échec certain. En l’occurence, aucun des talents à être passé par le projet de développement n’est vraisemblablement arrivé au prochain niveau avec les outils nécessaires pour y connaître du succès immédiat; on parlait d’ailleurs de Green et Kuminga comme des déceptions, tôt dans leur carrière, avant qu’ils ne connaissent chacun une renaissance en 2024, ce qui représente leur troisième année en NBA.
Le son de cloche est similaire en ce qui a trait à Henderson, jadis entrevu par les experts comme le rival direct à Victor Wembanyama dans cette dernière cuvée. Le point guard de 20 ans a connu une amorce de calendrier fort difficile, avant de tranquillement se replacer, pour des moyennes de 13.2 PTS et 4.8 AST par match sur la saison, mais seulement 38% d’efficacité au tir pour les Trail Blazers de Portland qui comptent 19 victoires à leur fiche de parcours.
Et c’est sans nommer les joueurs qui sont rapidement tombés hors de la Ligue après avoir effectué le saut du G League Ignite vers le circuit Silver – voire ceux qui travaillent encore d’arrache-pied pour goûter à quelques minutes additionnelles.
Reste à voir si Ron Holland, Matas Buzelis et les autres membres du noyau actuel sauront écrire de plus belles histoires de succès à l’occasion du début de leur carrière respective, mais le dommage est fait du côté de l’Ignite. En somme, la NCAA, les ligues alternatives/outremer, les insuccès sur le terrain, puis la formule même de ce programme sont ultimement ce qui l’ont fait couler, mais ça ne veut pas dire pour autant que la NBA et ses futurs joueurs ne sortent pas de cette aventure en meilleure posture que jamais.